En France, le gouvernement envisage d’interdire les sachets de nicotine (« pouches ») au nom de la santé publique. Pourtant, ces produits sans tabac, moins nocifs que la cigarette et bien plus abordables que les substituts classiques, représentent une opportunité précieuse pour les fumeurs souhaitant décrocher. Cette mesure entre en contradiction avec les discours officiels sur le pouvoir d’achat et la lutte contre les inégalités sociales et sanitaires.
Une alternative efficace menacée de disparition
À première vue, les pouches – ces petits sachets de nicotine à placer sous la lèvre – n’ont rien de révolutionnaire. Et pourtant, ils changent la donne pour des milliers de fumeurs en quête de sevrage. Sans combustion, sans goudron ni monoxyde de carbone, ces produits permettent une absorption contrôlée de nicotine, en toute simplicité.
Leur usage se développe en France, souvent chez des adultes désireux de réduire leur consommation ou de sortir du tabac. Leur prix, autour de six euros le sachet, les rend bien plus abordables que les substituts classiques – patchs, gommes, comprimés – ou que le paquet de cigarettes, désormais vendu plus de douze euros. Un facteur décisif pour les plus modestes.
Des résultats probants ailleurs en Europe
Le cas suédois est régulièrement cité en exemple. Grâce à l’usage massif du snus, cousin des pouches, la Suède affiche l’un des taux de tabagisme les plus faibles d’Europe. En Norvège ou au Royaume-Uni, ces approches dites de « réduction des risques » sont intégrées aux politiques publiques, avec des résultats concrets.
En France, l’État semble faire le choix inverse. Prétextant une possible attractivité des pouches chez les jeunes – sans données probantes pour l’étayer –, le gouvernement envisage une interdiction pure et simple. Une décision qui, de l’avis de nombreux experts en santé publique, reviendrait à fermer une porte de sortie à de nombreux fumeurs adultes.
Un contresens sanitaire doublé d’un paradoxe économique
L’interdiction des pouches entre en résonance étrange avec les discours officiels sur le pouvoir d’achat. Comment justifier qu’on prive les Français d’un outil abordable pour réduire ou arrêter le tabac, alors que la cigarette continue de tuer plus de 75 000 personnes chaque année dans le pays ?
En rendant inaccessibles ces produits à bas coût, on risque de renvoyer les usagers vers des substituts plus chers – pas toujours remboursés – ou, pire, vers la cigarette elle-même. Pour beaucoup, notamment les plus précaires, les pouches représentent une solution simple, efficace, et enfin à leur portée.
L’idéologie au-dessus de la science
La France reste campée sur une logique de prohibition, au lieu d’adopter une stratégie de réduction des risques fondée sur l’accompagnement, l’encadrement et la responsabilisation. Les pays qui ont fait ce choix obtiennent de meilleurs résultats dans la lutte contre le tabagisme, sans pour autant sacrifier la santé des jeunes.
En agitant la menace d’une consommation chez les mineurs – que rien ne confirme à ce stade –, l’exécutif prend le risque d’ignorer les réalités du terrain. Et de laisser sur le carreau une population vulnérable, qui cherche à décrocher sans moyens suffisants pour le faire avec les outils traditionnels.
Prévention à deux vitesses
Derrière cette interdiction se profile une inégalité de traitement préoccupante. D’un côté, les fumeurs aisés peuvent s’offrir des consultations spécialisées, des traitements prescrits, voire un accompagnement personnalisé. De l’autre, les plus modestes, confrontés à des freins financiers et à un accès limité aux soins, voient disparaître l’un des rares produits qu’ils peuvent utiliser sans ordonnance, ni rendez-vous.
En rendant plus difficile l’accès à une solution de réduction des risques, la France entretient une prévention à deux vitesses : éclairée et encadrée pour les uns, punitive et excluante pour les autres.
Changer de cap, sans plus attendre
La lutte contre le tabac est un enjeu majeur de santé publique. Mais elle ne saurait se résumer à une succession d’interdictions mal calibrées. Plutôt que bannir les pouches, il serait plus cohérent de mieux les réguler, d’informer les consommateurs, et de s’appuyer sur les données disponibles pour construire une stratégie pragmatique.
À l’heure où l’inflation pèse sur les ménages et où les inégalités sanitaires se creusent, écarter une solution économique et accessible n’est pas seulement une erreur : c’est un renoncement. Arrêter de fumer ne doit pas être un luxe réservé à quelques-uns, mais un droit ouvert à tous. Il est encore temps de rectifier le tir.