mercredi, avril 24, 2024
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L’écomobilité est-elle sur la bonne voie en France ?

Quand on pense « écomobilité » viennent immédiatement à l’esprit les trottinettes et les vélos électriques, voire le train. Pourtant, la route domine encore très largement le secteur des transports, et semble oubliée par les politiques publiques. Anatomie d’un paradoxe.

Vous êtes déjà passé à l’électrique et vous vous dites que vous êtes peut-être allé un peu vite en besogne ? Vous faites partie de la moitié des automobilistes qui y réfléchissent sérieusement pour l’achat de leur prochaine voiture ? Mais voilà, vous regardez la carte de France des bornes de recharge électrique et vous hésitez… C’est normal. La révolution des mobilités vertes du quotidien n’en est qu’à ses débuts, et celle des infrastructures routières peine à suivre le mouvement. Pourtant, l’accélération de cette transformation, à très court terme, n’est plus une question de choix politique, mais une nécessité à la fois économique et environnementale. Sur le terrain, les pouvoirs publics semblent vouloir privilégier coûte que coûte le train et le vélo au détriment de la route, comme l’ont encore montré les choix récents du gouvernement Castex. C’est un fait : côté mobilités du quotidien, la France n’est pas sur les bons rails. Voici pourquoi.

La route, poids lourds des transports

Quelles que soient les sources, les chiffres sont les mêmes : la route reste le mode de transport préféré des Français, loin devant le train ou le vélo. Selon l’Union routière de France (URF), elle représente 87% des déplacements de voyageurs (voitures et autocars), 89% des transports de marchandises et 35% des déplacements collectifs de voyageurs. A titre de comparaison, le train plafonne à 11% et les liaisons aériennes intérieures à 2%.

Près de 9 déplacements sur 10 sont donc routiers, une proportion stable ces dernières décennies. Pourquoi la France persiste-t-elle donc à délaisser ce secteur ? L’histoire vaut un coup d’œil dans le rétroviseur : en 2007, le gouvernement Fillon lance le Grenelle de l’Environnement, porté par le médiatique ministre Jean-Louis Borloo. L’un des objectifs est alors de mettre en avant les modes de transports à faibles émissions. Exit donc la route des politiques publiques. Près de quinze ans plus tard, l’échec est patent : le train et les pistes cyclables ont envahi le paysage et le discours public, mais les Français sont restés fidèles à leurs voitures. La route est restée sur le bas-côté. Spécialiste de ce dossier, Patrick Jeantet, ancien président du directoire de Keolis, déplore le manque de réaction de la présidence Macron : « Alors qu’elle a fait l’objet d’une crise d’une gravité sans précédent – les Gilets jaunes – et qu’elle est l’un des leviers principaux en matière de décarbonation, la route est restée l’un des parents pauvres de ce quinquennat alors même qu’elle représente 85% des flux de transports et que plus de 75% des actifs utilisent leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. » La grande bascule souhaitée par le Grenelle de l’Environnement n’a jamais eu lieu. Pire, la politique choisie en termes de report modal a surtout créé davantage d’inégalités et a amputé la compétitivité de l’économie française.

Bien que les pouvoirs publics disent avoir conscience du problème, les politiques mises en œuvre ne sont pas à la hauteur, malgré la loi LOM (loi d’orientation des mobilités) promulgué en 2019 – qui a connu un retard à l’allumage – et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). « La route est le principal support des mobilités individuelles et collectives, tant pour les personnes que pour les marchandises et un important contributeur à l’économie nationale, tant en termes de valeur et d’emplois que de générateur de ressources fiscales, analyse Jean Mesqui, président de l’Union routière de France (URF). Ceci a encore été confirmé lors de la crise de la Covid-19 qui a démontré que la route est un objet qui vit et s’adapte en permanence. Ceci prouve également que notre réseau routier, avec plus d’un million de kilomètres, est essentiel pour la desserte de tous les territoires. Son entretien est une nécessité stratégique. […] La décarbonation de la mobilité routière est aujourd’hui essentiellement considérée comme liée à l’usage exclusif de la motorisation électrique ; cependant nous sommes loin des objectifs fixés par les pouvoirs publics, tant pour le renouvellement du parc que pour les infrastructures de recharge. » Que ce soit pour l’entretien du réseau existant ou pour mettre en place celui de demain, il est donc impératif d’investir.

Quid des investissements routiers ?

Concrètement, les investissements réalisés ces quinze dernières années ont été concentrés sur tous les autres modes de transports. En 1990, la route représentait 70% des investissements dans les infrastructures de transports, elle n’est plus qu’à 45% aujourd’hui. En valeur, la part de la richesse nationale destinée aux investissements routiers a été divisée par deux en l’espace de trente ans. Cette courbe doit donc impérativement s’inverser si la France veut se doter d’infrastructures tournées vers l’avenir.

Cet avenir porte un nom : la décarbonation. Cette dernière concernera tout autant l’abandon des voitures à moteur thermique d’ici 2040 (certains de nos voisins européens sont bien plus ambitieux sur ce point) que les techniques de construction des infrastructures et les incontournables bornes de recharge électrique ultra-rapide. Il n’y a pas d’alternative. Pourtant, l’Etat français est loin du compte, même s’il se dit ambitieux en termes de neutralité carbone. Les effets d’annonce sont en effet nombreux, du Plan de relance de Jean Castex au programme Objectif 100000 bornes lancé par Barbara Pompili et Jean-Baptiste Djebbari, respectivement ministre de la Transition écologique et des Transports. Mais les moyens sont largement en-deçà des défis à relever.

Sur les 100 milliards d’euros annoncés par le Premier ministre, 11,5 milliards ont été orientés vers les transports. Dans le détail, le train (avec le renflouement des comptes de la SNCF) se taille la part du lion avec 4,7 milliards d’euros. Le déploiement de bornes de recharge électrique, lui, n’a mobilisé que 100 millions. « L’électrification de la route est un enjeu clé, pour lequel la France a dédié 100 millions d’euros de son Plan de relance, contre 2,5 milliards pour l’Allemagne, compare Patrick Jeantet. S’agissant du déplacement automobile en général, la loi LOM porte essentiellement des mesures en faveur du covoiturage et du véhicule électrique, et permet finalement de déroger localement à la règle des 80km/h instaurée en juillet 2018. Ces éléments interrogent quant à la stratégie de l’Etat s’agissant de la route, la décarbonation de ses usages étant pourtant indispensable pour atteindre nos objectifs en matière climatique. »

L’urgence climatique, elle, est bien réelle, contrairement aux moyens financiers pour la contrer. Les objectifs officiels – soit -40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050 – sont probablement déjà hors d’atteinte. A moins de mettre les bouchées doubles : « Après deux précédents rapports annuels qui étrillaient l’action gouvernementale, la troisième édition produite par le Haut Conseil pour le climat (HCC) créé fin 2018 reste sévère, note Le Monde. Malgré une « accentuation de la baisse des émissions » au niveau national et dans la plupart des régions, « les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs » climatiques pour 2030, jugent les spécialistes du climat, de l’économie, de l’agronomie et de la transition énergétique. » Un éventuel succès passera donc forcément par des investissements massifs en faveur de la décarbonation des infrastructures routières et de l’écosystème des transports, responsable à lui seul de 31% des émissions françaises de GES.

Nathalie Chambon
Nathalie Chambon
Fan de décoration et de design, j'en fais désormais mon métier, notamment grâce à ce journal où je viens parler de déco, de mode et des dernières tendances en terme d'architecture.

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